Sri Lanka, plantation de thé à Nuwara Eliya (© Sylvie Strobl)

dimanche 12 janvier 2014

La solitude lumineuse

Pablo Neruda
Traduit de l'espagnol par Claude Couffon
Folio n°4103


Ne me dites pas que ça ne vous arrive jamais : dans une librairie, devant un rayonnage rempli d'ouvrages divers, votre regard est attiré par une couverture, un titre... et sans y réfléchir davantage, vous voilà pressé d'entamer la lecture de ce livre qui vous a happé. 
"La solitude lumineuse" et une figure de bouddha : il n'en fallait pas davantage pour me séduire, la 4ème de couverture confirmant mon attrait. Quel dommage que je n'ai pas vu la petite phrase disant que ce texte est, en fait, extrait d'un récit plus complet intitulé "J'avoue que j'ai vécu". Ce sera donc un apéritif, destiné à susciter l'envie, car ce livre de Pablo Neruda provoque un tel dépaysement et fait naître de telles émotions qu'une fois sa lecture terminée, on en redemande !

Nous sommes au début du 20e siècle, en 1928 précisément, et Pablo Neruda est nommé consul à Colombo (Ceylan à l'époque), puis à Singapour et à Batavia (l'actuelle Jakarta - Indonésie). Ses missions officielles, très limitées, lui laissent le temps de s'immerger dans les cultures locales et d'y découvrir un monde fait de couleurs et de senteurs, de cérémonies religieuses étonnantes, de fumées d'opium et de chasse à l'éléphant, de sourires bienveillants du bouddha... Des années plus tard, de retour au Chili, il se souvient des visages, des événements, des anecdotes... de la compagnie insolite de Kiria, sa fidèle mangouste dévoreuse de serpents, de ses lectures destinées à combler sa solitude et qui nous valent de très belles pages consacrées aux correspondances entre la littérature (Rimbaud, Proust...) et la musique. Et de citer Schubert, Wagner, Fauré ou encore le compositeur d'origine liégeoise César Franck à qui Claudio Arrau et ses amis de la jeune musique chilienne préféraient Verdi !

Carnet de voyage, journal intime, recueil de souvenirs... dans ce très beau texte, rédigé dans une langue poétique et musicale que la traduction ne dessert en rien, Pablo Neruda manie également l'humour et une certaine légèreté. Au-delà de son expérience personnelle, "La solitude lumineuse" témoigne d'une époque coloniale révolue et du regard d'un homme dont l'engagement politique transparaît dans les dernières pages, lorsqu'il s'interroge sur la probabilité qu'Hitler, "ce meneur antisémite et anticommuniste" accède au pouvoir.

"... ces bouddhas colossaux, avec des pieds de dieux géants, ont sur le visage un sourire de pierre qui est paisiblement humain, sans toute cette souffrance..." (Bouddha couché de Pollonnaruwa, Sri Lanka © Sylvie Strobl)


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