Sri Lanka, plantation de thé à Nuwara Eliya (© Sylvie Strobl)

dimanche 15 mars 2015

L'art d'écouter les battements de coeur

Jean-Philippe Sendker
Traduit à partir de la version anglaise de Kevin Williarty par Laurence Kiefé
Livre de Poche n° 33665


Julia, jeune avocate new-yorkaise, avait tout pour être heureuse jusqu'à ce que son père, avocat de renom, disparaisse sans laisser de trace. Parti un matin pour un soi-disant rendez-vous à Boston, Tin Win n'est jamais rentré chez lui. Après quelques recherches infructueuses, son passeport est découvert à Bangkok, non loin de l'aéroport. C'est la dernière trace de cet homme dont la vie semblait pourtant bien rangée.

Quatre ans après cette mystérieuse disparition, feuilletant divers papiers ayant appartenu à son père, Julia y découvre la trace d'un amour passé qu'il aurait entretenu avec une jeune femme, Mi Mi, alors qu'il vivait encore en BIrmanie. Curieuse d'en savoir plus, elle s'embarque pour le pays natal de son père, espérant le retrouver et comprendre pourquoi il a tout quitté du jour au lendemain, sans aucune explication. 

Dans le village où Tin Win a grandi, la jeune femme rencontre un vieillard qui semble la connaître et l'attendre. Incontestablement, il a des choses à lui révéler. D'abord méfiante et pleine d'a priori, Julia se laisse peu à peu prendre au récit de U Ba qui va lui révéler l'histoire étonnante de son père et de Mi Mi, son amour de jeunesse. Un amour profond entre une jeune fille handicapée, née avec des pieds difformes qui l'empêchent de marcher, et un jeune homme devenu aveugle après que sa mère l'eut abandonné. Un amour porté par la capacité très particulière de Tin Win d'entendre les battements de coeur des êtres vivants, hommes ou animaux, et d'en comprendre les émotions. Un amour brutalement interrompu par un oncle désireux d'améliorer son karma et qui, pour y parvenir, arrache Tin Win à son village pour lui offrir une nouvelle existence : une opération qui lui permet de recouvrer la vue et des études à l'étranger qui transforment le jeune homme en apparence, même si Mi Mi reste bien présente dans son coeur et ses pensées.

Sur fond de spiritualité orientale et de découverte d'un pays peu exploré par la littérature, J.-Ph. Sendker livre un roman "sentimental" teinté d'exotisme qui reste un peu convenu. Le style fluide contribue, certes, à une lecture agréable mais "L'art d'écouter les battements de coeur" ne fait pas partie de ces récits qui vous happent et ne vous lâchent plus, même lorsque la dernière page est tournée. Il s'en serait fallu de peu, sans doute, pour faire de ce roman autre chose qu'un "Best-seller international traduit dans 25 pays" qui s'inscrit dans un style littéraire bien dans l'air du temps, mêlant spiritualité, recherche de ses racines, développement personnel et bons sentiments. 

Ce livre m'a été proposé par Babelio dans le cadre de l'opération Masse Critique.


"Des robes de moines rouge foncé séchaient sur un fil..." (Monastère de Mahagandayon, Amarapura, Birmanie).

dimanche 1 mars 2015

La Concession du téléphone

Andrea Camilleri
Traduit de l'italien par Dominique Vittoz
Livre de Poche n°15052


Vigàta (Sicile), 1891. Filippo Genuardi, négociant en bois de son état, s'est mis en tête d'obtenir une ligne téléphonique à usage privé. Un simple courrier devrait suffire, mais voilà : au lieu d'envoyer sa demande au Ministère des Postes et Télégraphes, notre homme se trompe et l'expédie au Préfet dont il écorche de surcroît le nom. Sans réponse, Filippo, dit Pippo, insiste un peu lourdement, adressant une deuxième, puis une troisième missive au-dit Préfet dont l'attention se trouve soudain éveillée. Qui est ce Genuardi et pourquoi une telle obstination à obtenir une ligne téléphonique ? Sans compter cette erreur d'orthographe ? Serait-ce une moquerie... Il n'en faut pas davantage pour faire naître une véritable paranoïa dans le chef du haut-fonctionnaire !

A partir de là, Andrea Camilleri livre une histoire drôle et percutante où corruption, mouvements subversifs, tromperie et règlements de comptes s'entremêlent pour le plus grand plaisir du lecteur. De rebondissements en retournements de situations, l'auteur construit son récit sous forme de multiples échanges épistolaires où l'on croise tour à tour les signatures d'un caporal des carabiniers du roi, d'un préfet de police, d'un géomètre... et même d'un ministre, sans oublier quelques personnages un peu moins recommandables ! 

Encore faut-il s'y retrouver car de nombreux patronymes émaillent cette pantalonnade ! Alors un conseil : ne loupez pas la page 11. Elle vous sera bien utile si vous voulez éviter de confondre le préfet et le parrain de la mafia locale, ce qui - avouez-le - serait d'assez mauvais goût !