Sri Lanka, plantation de thé à Nuwara Eliya (© Sylvie Strobl)

dimanche 14 avril 2013

Indiennes
Rudali et autres nouvelles

Mahasweta Devi
Nouvelles traduites du bengali par Marielle Morin
Babel n° 1142

De mes voyages en Inde, j'ai gardé le souvenir de beaucoup de visages féminins. Des regards sombres mais bienveillants, des sourires éclatants, des chevelures de jais... Des femmes chantant dans un temple, d'autres au milieu du désert faisant sécher de la bouse de vache pour allumer le feu... Certaines m'ont demandé si je m'étais mariée par amour, d'autres se sont étonnées que je n'aie pas d'enfants... Oui, vraiment les femmes indiennes m'ont marquée, tout comme les héroïnes des nouvelles de M. Devi. 
Chacune, à sa façon, illustre un aspect de la condition féminine en Inde. De régions et de castes différentes, toutes ont en commun d'être confrontées à des hommes qui les abandonnent, veulent les dominer, les asservir... et toutes mettent leur formidable énergie à renverser ce rapport dominant-dominé pour gagner leur liberté. 

Il y a Sanichari qui gagne sa vie comme pleureuse après avoir enterré nombre de ses proches sans verser une seule larme, trop occupée à chercher de quoi subsister ; il y a Dhauli qui espère le retour de l'homme qui l'a mise enceinte mais que sa famille a éloigné par crainte du déshonneur ; il y a Mary la métisse, fille d'un Blanc et d'une Indienne, qui attire les regards et les convoitises, mais reste fidèle à l'homme qu'elle veut épouser... 

Oui, toutes ces femmes m'ont marquée. Mais si la quatrième de couverture indique que l'auteur "donne à entendre, avec une redoutable efficacité, ces voix opprimées et solitaires souvent ignorées par les livres d'histoires et les médias", j'ai été plus marquée encore par ce qui est arrivé en décembre dernier à une jeune étudiante dans un bus de New-Delhi et qui laisse penser que les femmes sont encore des proies faciles. Cette jeune femme, qui a perdu la vie suite à un viol collectif dans un transport public, pourrait être l'héroïne d'une nouvelle de Mahasweta Devi. Malheureusement, la réalité a dépassé la fiction et, cette fois, les médias ne se sont pas tus.

Bien sûr, aujourd'hui en Inde, des femmes sont ingénieurs, scientifiques ou chefs d'entreprises... même si, dans les villages, les coutumes ancestrales ont la vie dure. Malgré tout, y compris dans les villes, des hommes continuent d'exercer la violence à leur encontre. Un seul remède à cela : l'éducation. Celle des fillettes qui ont le même droit au savoir que les garçons, et celle des garçons à qui il faut apprendre dès le plus jeune âge que tous les êtres naissent égaux.


Jaisalmer, mars 2000 (© Sylvie Strobl)

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