Sri Lanka, plantation de thé à Nuwara Eliya (© Sylvie Strobl)

dimanche 23 février 2014

Le meurtre d'O-Tsuya

Junichirô Tanizaki
Traduit du japonais par Jean-Jacques Tschudin
Folio n°4198


Dans le Japon du 19e siècle, il est inconcevable pour un modeste employé de tomber amoureux de la fille de son patron. C'est pourtant ce qui arrive au jeune Shinsuke. Son employeur, un prêteur sur gages, n'a qu'une enfant, O-Tsuya : une jeune fille belle et attirante, à la fois ingénue et manipulatrice. Elle ne tarde pas à répondre aux sentiments de Shinsuke et échafaude avec lui des projets improbables d'avenir commun. Jusqu'au jour où, forçant le destin, les deux amoureux fuguent, espérant profiter de l'inquiétude causée par leur disparition pour convaincre leurs parents respectifs de les laisser vivre leur amour au grand jour.

C'est O-Tsuya qui a imaginé ce plan. Shinsuke, timide, voire timoré, a hésité mais les arguments de sa belle l'ont emporté. Les voilà donc cachés chez un marchand, attendant le bon moment pour réapparaître. La situation s'éternise : ni les parents d'O-Tsuya, ni ceux de Shinsuke ne réagissent comme prévu. Le jeune homme s'en inquiète, sa compagne quant à elle cherche à en tirer tous les bénéfices, à commencer par la découverte d'un univers qui la fascine, celui des geishas. C'est d'ailleurs dans ce monde particulier qu'elle échoue après avoir été enlevée tandis que son amant échappe de peu à une tentative d'assassinat. Le destin est en marche : l'homme au sens moral profond qu'était Shinsuke va se transformer en un meurtrier avide de revanche alors qu'O-Tsuya, de plus en plus manipulatrice, va utiliser ses charmes pour mettre les hommes à ses pieds. Lorsque, au terme de nombreuses péripéties, les deux amants se retrouvent enfin, Shinsuke pourra-t-il supporter le comportement de la jeune femme, lui qui s'est promis de se rendre aux autorités pour expier ses fautes ?

Voilà un petit livre d'une densité et d'une force remarquables. Junichirô Tanizaki excelle à décrire des sentiments exacerbés et à en tracer l'évolution de telle manière qu'on comprend vite que le destin des amants ne peut être que tragique. Le climat qu'il construit au fil des pages, la peinture sociale qu'il livre, l'univers étroit des convenances dans lequel il fait évoluer ses personnages, la finesse de l'observation des caractères... tout concourt à faire de ce roman un "incontournable", d'autant que, bien qu'écrit en 1915, il n'a pas pris une ride et se révèle d'une étonnante modernité.

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