Sri Lanka, plantation de thé à Nuwara Eliya (© Sylvie Strobl)

dimanche 13 janvier 2013

Voyage capital & autres nouvelles

P. Coelho, I. Frein, A. Teulié, P. Besson, C. Wajsbrot, Ph. Jaenada,    
D. Jeambar, M. Assayas, N. Rey
Editions Prisma


Neuf auteurs pour neuf nouvelles qui ont pour cadre Paris, et autant de regards différents, d'émotions, de sentiments dévoilés au détour d'une rue... le voyage est parfois si près de chez soi !

Cela commence par un petit guide de l'art de voyager, délivré par Paolo Coelho, qui vous conseille, entre autres, de préférer les bars aux musées. Cela passe par la découverte de la ville lumière par une provinciale (I. Frein) qui doit apprivoiser son nouveau quartier et, pour cela, faire connaissance de sa voisine. Ce sont aussi deux amies de toujours, originaires de Limoges, que le mode de vie parisien va rapidement séparer (N. Rey), ou encore deux vieux camarades qui, pour retrouver leur jeunesse, décident d'organiser une fête et d'y inviter d'anciennes conquêtes... (D. Jeambar). On y rencontre aussi une jeune femme qui, dans un aéroport, attend impatiemment de faire connaissance avec le petit vietnamien qu'elle souhaite adopter (M. Assayas) et une dame âgée qui arpente Paris le nez en l'air dans l'attente de trouver l'appartement de ses rêves (C. Wajsbrot). On y lit enfin l'histoire d'une mystérieuse allergie aux chats qui trouve sa résolution à Bangkok (P. Besson) et celle d'une jeune fille qui, après des années de vie en circuit clos dans son quartier, se hasarde à en franchir les limites (A. Teulié).

Chaque récit est complété par une courte biographie de son auteur.

Le recueil est plaisant, joliment présenté dans un boîtier cartonné qui fait de lui un bel objet et qui a déjà deux petits frères : l'un consacré au thème de la rencontre, et l'autre aux palaces. C'est léger, tendre, nostalgique... cela nous renvoie à nos propres balades dans Paris, et comme il s'agit de nouvelles, cela se lit le temps de quelques stations de métro !

Paris, septembre 2009 (© Michel M.)

dimanche 6 janvier 2013

Les ombres de Kittur

Aravind Adiga
Traduit de l'anglais (Inde) par Annick Le Goyat
Collection 10/18 - n°4581


Kittur, petite ville imaginaire du sud de l'Inde au bord de la mer d'Oman, est une Inde en miniature. On y croise à la fois la richesse et la pauvreté, l'éducation et l'inculture, l'honnêteté et la corruption... On y croise aussi des figures telles qu'en recèle toute grande ville indienne : conducteur de rickshaw, brahmane, livreur, étudiant, commerçant...

Aravind Adiga compose son recueil de nouvelles à la manière d'un ouvrage touristique : un plan fictif de la ville permet au lecteur de repérer les lieux qu'il visitera au fil des pages : la gare, le port, le cinéma ou encore la cathédrale ; chaque nouvelle est introduite par un petit texte en italique digne d'un dépliant de l'office du tourisme. Mais derrière le vernis, chaque lieu - quatorze au total - est le théâtre d'une rencontre avec un des multiples visages de l'ancienne colonie de l'Empire britannique. Qu'il s'agisse du lycéen poseur de bombes, du brahmane communiste, du patron rançonné par la compagnie d'électricité et les impôts ou de la fillette obligée de mendier pour payer la drogue de son père, l'auteur pose un regard sans complaisance sur la société indienne et ses particularismes tels que les castes. Il dénonce aussi le travail des enfants, la corruption qui gangrène la société à tous les étages ou les rivalités entre hindous et musulmans. Pire encore : A. Adiga semble nous dire que toute tentative pour sortir de sa condition est vouée à l'échec. Et pourtant, ce n'est pas la noirceur qui domine ce recueil, mais l'émotion engendrée par ces destins contrariés. Il faut dire que l'auteur maîtrise parfaitement l'art du récit, d'autant plus difficile lorsqu'il s'agit de textes courts. En quelques pages, il parvient à nous faire entrer dans la réalité de ses personnages et à nous faire éprouver une large gamme de sentiments.

A la lecture, quiconque est allé en Inde retrouvera des odeurs, des sons, des images. Pour ceux qui n'ont jamais franchi le pas, ce livre sera peut-être une invitation ou un frein. Car voilà un pays qui ne laisse personne indifférent : on aime... ou on déteste.
Pour ma part, vous l'aurez compris, j'aime !

Aravind Adiga est également l'auteur du "Tigre blanc"

Tanjore, Inde du sud - février 2009 (© Sylvie Strobl)