Sri Lanka, plantation de thé à Nuwara Eliya (© Sylvie Strobl)

dimanche 1 décembre 2013

Retour à Salem

Hélène Grimaud
Albin Michel


Mon premier contact avec Hélène Grimaud remonte à une quinzaine d'années. Elle venait interpréter le concerto de Schumann à Bruxelles et j'ignorais tout de cette jeune pianiste qui traversait la scène de manière discrète, toute de bleu foncé vêtue. Mais, dès les premières notes, fini la discrétion ! Une force, une puissance, un discours affirmé... la révélation d'un grand talent.
Quelques années après, la belle Hélène faisait parler d'elle pour son amour des loups. Je frissonnais lorsque, dans un documentaire, je la voyais chahuter avec ces animaux magnifiques qui la mordillaient affectueusement : je ne pensais qu'à ses mains, si précieuses !

Poursuivant une carrière musicale de haut vol, H. Grimaud se lança également dans l'écriture, là aussi avec brio ! Après ses "Variations sauvages" et ses "Leçons particulières", la voici qui nous livre un récit brillant, à la frontière du roman et de l'auto-biographie.

Au sortir d'une répétition du 2e concerto de Brahms qu'elle va interpréter à Hambourg, la narratrice se balade et entre par hasard dans la boutique d'un brocanteur. Là, parmi un fatras d'objets divers, elle trébuche sur un manuscrit d'où s'échappent des partitions : il semble se trouver là pour elle et elle n'y résiste pas. Lorsque, quelques jours plus tard, elle trouve le temps de l'ouvrir et de le regarder en détails, quelle n'est pas sa surprise de découvrir un récit signé Karl Würth - qu'elle identifie immédiatement comme étant le pseudonyme de Brahms - illustré de gravures de Max Klinger. Würth y raconte un périple dans une nature tourmentée, au bord de la Baltique : le sol spongieux, les arbres vertigineux, le silence oppressant... le plongent rapidement dans un état second aggravé par la fièvre et la peur. Peu à peu, la forêt se dévoile, les animaux se mettent à lui parler, à commencer par le loup, celui-là même à qui H. Grimaud a consacré un centre d'étude à Salem, aux Etats-Unis...

En alternance avec le récit de K. Würth, Hélène Grimaud poursuit sa narration en dévoilant ses propres émotions face aux feuillets de Würth qui s'inscrivent en parfaite résonance avec le concerto de Brahms qu'elle travaille. Comme un écho à ses propres préoccupations musicales et écologiques, la fantasmagorie de Würth fait référence à une nature en péril, meurtrie par les hommes : Hélène Grimaud, dont l'intérêt pour l'éthologie n'est plus à démontrer, développe un véritable plaidoyer pour la sauvegarde de la planète sur fond musical et littéraire, mais aussi scientifique, sans oublier de nous rappeler au passage que Salem fut le théâtre de l'exécution dramatique, au 17e siècle, de soi-disant sorcières.

"Retour à Salem" est un ouvrage brillant (presque trop !) teinté de mystère et d'irrationnel, bercé d'un romantisme exacerbé. Le lire en écoutant le 2e concerto de Brahms est une idée mais, pour ma part, c'est plutôt l'intermezzo en mi mineur des Fantaisies pour piano op. 116 qui m'a littéralement hantée durant la lecture par son côté à la fois sombre et poétique. Je vous laisse juge !



Pour écouter l'intermezzo interprété par Hélène Grimaud, cliquez ici


1 commentaire:

  1. Coucou Sylvie,

    l'inspiration de ta chronique est à la hauteur de l'enthousiasme dont tu avais fait part en me racontant ce récit.
    Après t'avoir lue, on a envie de deux choses: lire Hélène Grimaud en écoutant Brahms...
    Bises
    Fa

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