Sri Lanka, plantation de thé à Nuwara Eliya (© Sylvie Strobl)

dimanche 9 décembre 2012

Terres des oublis

Duong Thu Huong
Traduit du vietnamien par Phan Huy Duong
Livre de poche n°30836



Quel que soit l'endroit du globe où elle se déroule, la guerre reste la guerre, et ses conséquences pour ceux qui la font ou la subissent sont toujours dramatiques. 
Dans ce petit village du nord du Vietnam, Miên, à peine mariée, a vu Bôn, son mari, partir au front. Quelques années plus tard, un certificat de décès a mis fin à ses espoirs de le revoir. Elle a refait sa vie avec Hoan, un homme bon et intelligent qui lui a donné un fils  ; dans cette nouvelle existence, elle vit un bonheur calme et paisible.

Puis resurgit celui que tous croyaient mort : 14 ans après avoir quitté le village, Bôn réapparaît, brisé par le conflit mais porté par l'espoir de retrouver sa femme. Le dilemme est terrible pour Miên : va-t-elle quitter l'homme qu'elle aime pour reprendre la vie avec celui "qui a apporté sa part de sang dans la guerre contre les Américains pour libérer le pays" ou faire taire son sens du devoir et rester avec Hoan. Sous la pression silencieuse mais pesante des villageois, c'est le devoir qui l'emporte. Miên quitte son mari, son enfant, sa maison confortable pour retourner vivre dans une masure quasi insalubre, avec un homme qu'elle n'aime plus.

Dans ce très beau roman, Duong Thu Huong pose la question fondamentale du sens devoir et de sa primauté sur le bonheur et la liberté individuels. Le sacrifice auquel Miên consent est révélateur de l'état d'esprit qui régnait au Vietnam à la fin des années '70. A la fin du conflit, des jeunes filles furent incitées à épouser les mutilés de guerre afin de "payer la dette du peuple vis-à-vis des bienfaiteurs de la patrie".

Donnant tour à tour la parole à ses trois personnages, et alternant le récit avec leurs monologues intérieurs, Duong Thu Huong construit une oeuvre âpre, au goût amer.  Misère morale, remords et regrets rythment ses pages, douleur et violence aussi, et l'on ne sort guère épargné de cette histoire terrible dont on n'ose imaginer qu'elle puisse se (re)produire. Pourtant, une fois la lecture commencée, il est impossible d'abandonner Miên, Bôn et Hoan : leur destin tragique nous tient en haleine, et la peinture que fait l'auteur du Vietnam d'après-guerre et de la vie en milieu rural contribue largement à l'intérêt que l'on porte à ce roman.

Nord du Vietnam, mars 2002 (© Sylvie Strobl)

2 commentaires:

  1. Le thème me laisse sans voix, désappointé.
    Qu'en pensent les autres lecteurs du blog de Sylvie ?
    Phil

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  2. Sylvie ou l'oeil et la plume. Ton blog est bon à lire, beau à voir.

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