Sri Lanka, plantation de thé à Nuwara Eliya (© Sylvie Strobl)

dimanche 20 juillet 2014

Ru

Kim Thúy
Le Livre de Poche n°32566


A la manière d'un peintre pointilliste, Kim Thúy réécrit son histoire par petites touches. Loin de reconstituer une fresque bien léchée, elle nous relate sa vie au gré de ses souvenirs et de ses émotions, un épisode ou une rencontre appelant l'autre. 

A 10 ans, la fillette vit, insouciante, à Saigon. Issue d'un milieu aisé, elle n'a d'autres préoccupations que celles des enfants de son âge : rire et s'amuser. L'arrivée des communistes dans le sud du Vietnam et les menaces qui les accompagnent obligent ses parents à quitter le pays. Comme des centaines d'autres malheureux, ils s'entassent sur un rafiot de misère qui les conduit vers l'exil : un camp de réfugiés en Malaisie, avant de gagner le Québec.

Autre continent, autre culture : la narratrice découvre la neige et le froid, apprend le français et l'anglais, et mange le riz avec une fourchette. Elle croise les gens "d'ici" tout en se remémorant les gens "de là-bas" : Marie-France, l'institutrice aux hanches rondes et aux fesses rebondies, sa cousine Sao Mai élevée comme une princesse, Madame Girard, une blonde platine à la Marilyn chez qui sa mère fait le ménage, Tante Sept et ses crises d'hystérie... Autant de figures que l'on croirait accrochées dans un pêle-mêle et qui nous font voyager du Québec au Vietnam, au rythme des souvenirs et des images.

Excédant rarement deux pages, les chapitres s'enchaînent au rythme d'associations d'idées. Loin de perdre le lecteur, ce sautillement à travers le temps et la géographie se révèle émouvant et poétique. De la fillette à l'adolescente puis à la femme et à la mère, Kim Thúy pose un regard apaisé sur les événements qui ont marqué son existence et si elle témoigne - bien qu'il ne s'agisse pas à proprement parler d'un récit autobiographique - c'est en hommage "aux gens du pays" et par souci de transmettre à ses fils ce que la vie lui a appris : "Tous ces personnages de mon passé ont secoué la crasse accumulée sur leur dos afin de déployer leurs ailes au plumage rouge et or, avant de s'élancer vivement vers le grand espace bleu, décorant ainsi le ciel de mes enfants, leur dévoilant qu'un horizon en cache toujours un autre et qu'il en est ainsi jusqu'à l'infini, jusqu'à l'indicible beauté du renouveau, jusqu'à l'impalpable ravissement".


"On oublie souvent l'existence de toutes ces femmes qui ont porté le Vietnam sur leur dos pendant que leur mari et leurs fils portaient les armes sur le leur. On les oublie parce que, sous leur chapeau conique, elles ne regardaient pas le ciel" (Saïgon © Sylvie Strobl)


4 commentaires:

  1. oh , Sylvie, il a l'air magnifique ce récit !!!! merci de partager tous tes trésors bisous

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Merci chère Anonyme identifiée aisément (avant même de voir ton autre message en un autre lieu !). Bisous à toi !

      Supprimer
  2. J'ai plusieurs fois pris ce livre en main sans sauter le pas mais tu m'as convaincue !

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. J'espère qu'il te plaira autant qu'il m'a touchée ! Bonne lecture à toi !

      Supprimer

Pour vous aider à publier votre message, voici la marche à suivre :

1) Ecrivez votre texte dans le formulaire de saisie ci-dessous
2) Si vous avez un compte, vous pouvez vous identifier dans la liste déroulante Commentaire
Sinon, vous pouvez saisir votre nom ou pseudo par Nom/URL
3) Cliquer sur Publier

Si vous vous identifiez comme "anonyme" et que nous nous connaissons, laissez-moi un petit indice afin que je puisse vous reconnaître !
Merci d'avance !